HEDONISME: Système moral qui fait du plaisir le principe ou le but de la vie

dimanche 6 novembre 2011

Séquence nostalgie: Kite Crossing Port St Louis / Sete. Mai 2008

 

C’était carrément pas prévu ! En effet, ce matin, en me levant, j’étais loin de me douter que j’allais signer dans quelques heures une de mes plus belles crossing en solo. Bon, ok, dès 8h30, les arbres du jardin se secouaient gentiment les branches, et quelques nuages bas montaient joyeusement vers le nord. Mais de là à imaginer ce qui suit…En mai, fais ce qui te plait…
Pour autant, ces branches toutes excitées m’avaient mis du baume au cœur. Je savais qu’aujourd’hui j’allais me revêtir de néoprène et jouer sur l’eau. Ca tombait fichtrement bien, mon agenda était vierge de toute obligation de terrien ! Un grand bol de café plus tard, je démarre mon fourgon, et direction la plage. C’est là, au bout de quelques centaines de mètres, que je prends la mesure des éléments météo, et de la possibilité d’envisager une grosse ballade. Ce qui m’incite à faire demi tour et repasser chez moi pour aller chercher quelques accessoires indispensables : gilet de flottaison avec camelbag, berlingots d’aliments « full power », sac à dos, feu à main, etc… Il est 10h30 quand j’arrive au Centre nautique de Port St Louis. La bise à tous, un café, et consultation de la météo sur internet. Je tape « Windfinder », et là, à la faveur du petit système météo qui s’enroule dans le golfe du Lion, je me dis que l’arrivée de mon périple en solo et sans assistance se fera, au minimum, à Sète, et plus si affinités… Le bulletin annonce du sud est 16/18 nds à l’ouest de la Provence et sur tout le littoral languedocien, avec un pic à 20 nds vers 16/17h00 du coté de Sète. Bonne maison… Pendant que je fais chauffer une énorme casserole de riz, j’appelle trois amis, Raph, Gaby, et Seb, et je les informe de mes intentions, ainsi que du besoin éventuel de leur aide pour assurer mon retour. Puis je remplis le camelbag, je mets un billet de 20 euros, ma carte bleue et le GPS dans un aquapack, mon portable dans un préservatif, et après avoir englouti ma demi-rizière, j’embarque mon ami Greg (chargé, après mon départ, de ramener le fourgon à la base nautique) dans le VW, et on file vers la plage Napoléon, près de l’embouchure du Grand Rhône. Il est midi. Le vent de 13/15 nds nous vient du sud est. Greg m’aide à sortir le matos et à faire le bon choix. 11 ou 13 m² ? Surf de 2m ou longboard de 2.40m ? Pendant les derniers préparatifs, le vent qui n’évolue pas me pousse à partir en 13m² + 28m de lignes, et en longboard. Ce genre d’engin, à priori pas adapté au kite, s’avère être d’une grande efficacité. Portance maximum au vent arrière, confort et capacité d’absorber le clapot, grande flottabilité (intéressant notamment si plan foireux finissant au large dans la pétole !), et pour finir une vitesse de croisière loin d’être ridicule. 12h30 : Je suis prêt. Je décide toutefois de tenter un bord avec le « petit » surf (un proto F.ONE « strapless » de 2m, pur bijou à la glisse redoutable). Mais 15 nds de vent sur une allure archi abattue, ça équivaut à 8/10 nds, et avec un poids embarqué de près de 110 kg (103 kg de moi + 4 kg de sac à dos + 3 kg de riz derrière le mono-abdominal central !!!) je tranche définitivement en faveur du mini malibu. 12h35 : Je pars tribord sur 100 metres, fais un jibe de vieille (plouf !) et j’enquille plein ouest tout en tendant le pouce à mon ami Greg qui se magne de plier la 11² sous la pluie. En mai, tous les phoques sont enrhumés…


12h45 : Après avoir passé sans encombre l’embouchure du Grand Rhône (A), large de 700m, j’entame au grand largue la longue descente dans les petites vagues qui longent la plage du Salin de Giraud. Tout va bien.


Plage de Piémanson / Salins de Giraud / Maxi spot par vent d'ouest...
 Je prends mes repères doucement. Le surf ne glisse pas trop vite, et le GPS se cale autour des 14/15nds. Y’a pas de quoi décoiffer Claire CHAZAL (surtout avec ce qu’elle se met comme laque). Petit à petit, l’angle du vent diminue, et ma vitesse, du coup, fait l’inverse. Au bout de quelques milles, je change de position. Je navigue bâbord amure, et pied droit devant, afin de commencer à surfer frontside sur les vagues qui s’offrent à moi. Par sécurité, je reste à moins de 100m du bord. Toutes les 15 minutes, je tire sur la pipette de mon camelbag. Il faut boire, c’est vital pour retarder les crampes de fin de journée. Les repères visuels que je connais bien défilent les uns après les autres, et c’est motivant de voir que l’allure n’est pas mauvaise: Je passe d’abord le poste de secours de Piemanson, puis le phare de Faraman (B), puis le petit port du Grau de la dent, ainsi que l’énorme tronc d’arbre perché depuis des lustres sur un éperon rocheux totalement inhospitalier. Un pécheur me fait un signe de la main, planté là, au milieu de ce no man’s land qu’est la Camargue non touristique, bien loin des clichés estivaux et des restos bondés aux abords des arènes arlésiennes. En mai, loin de la foule tu iras naviguer… Ma balade se poursuit tranquillement, au gré des petits surfs sans cesse répétés. Le vent tient ses promesses en montant un chouia. Le ciel bien gris jusqu’alors me donne quelque petit espoir d’entrevoir le soleil d’ici peu. Je me ressers une tournée de camelbag. Puis je passe à l’aplomb du phare de Beauduc (C), qui annonce l’arrivée dans le golfe du même nom. A 1 km de la pointe du Sablon, je profite du vent arrière pour naviguer assis sur le malibu. Ca me repose bien tout en évitant un arrêt pour le moment inutile. Puis je me relève, et j’enroule la pointe du Sablon. Je change d’amure et je rentre dans Beauduc cap au nord-est au dans 50 cm d’eau en direction des pompes. Le vent est à présent offshore. Ce changement d’amure, bien qu’assez court, me fait du bien aux cuisses. Je regarde naturellement ma montre. Cela fait une heure que j’ai quitté la plage de Port St Louis. Mon GPS affiche 16 milles nautiques Je suis dans les temps. Fort de ce constat, je laisse glisser le surf en abattant sur le flat. Le GPS chante à 20/22 nds. Beauduc : Que j’aime cet endroit, et cette sensation de l’avoir toujours connu, presque d’y être né, de faire partie intégrante de son paysage, au même titre que ses dunes ou ses cabanons. Petit hommage à mon père, qui m’a appris à aimer cet endroit, intime mélange de la mer et de la terre, ou tout est fragile et beau, ou le Mistral noir de l’hiver, quand il se lâche dans une furie glaciale, affirme en tapant du poing sur le sable à tout kitesurfeur imprudent qu’ici c’est lui le patron, et c’est lui seul qui décide si oui ou non, les représentants de notre tribu auront le droit de jouer. C’est comme ça et pas autrement, point barre. Toujours tribord amure, je file en direction de la plage nord de Beauduc (D), puis à l’approche du premier banc de sable, je bascule au nord ouest, parallèle au trait de cote. J’adresse au passage un petit bonjour à mon pot Jipé., le lyonnais toujours là avec son 4×4 Ivéco à la « mad max », et son chien cocaïnomane, qui répond au doux nom de "Branlette" (va savoir pourquoi...). Je suis à nouveau au vent arrière. Je passe au milieu d’un groupe de kiteurs novices. Je fais mon kéké….et je me prends une boite à deux balles, avec l'aile qui tape fort la surface. Momo, arrête de faire ton charmant t’es pas là pour ça… Putain, tu changes pas, toi !!! Dès que tu croises un clampin, il faut que tu te la pètes, hein ? Oh, ça va, moi, ferme la, je veux bien ? Je vais pas m’engueuler ici, non ? Je sais pas à qui je parle, là !!!! Alors, je fais gros museau, et je trace, ok ? Ok… En mai, ou tu me lâches, ou je te mets un taquet.
 Je vois à présent le clocher des Saintes Maries de la mer. Je fonce dessus, en m’éloignant un peu (trop) de la plage (E). Au bout de 20 mn, je passe devant les premières plages du village, puis les arènes, l’entrée du port, et je longe pour finir la grande plage ouest qui me mène à l’embouchure du petit Rhône(F). 1h50 de navigation pour 31 milles nautiques parcourus. Allez, on continue…. Il est 14h30, et j’entame au portant les 30 kms de plages quasi rectilignes qui relient les Stes Maries au golfe du Grau du roi. Plage longue, désertique et assez hostile (G), car jonchée de multiples digues et autres épis dont le but est de protéger le cordon de dunes et l’arrière pays des assauts de la mer. Il vaut mieux ne pas avoir à atterrir !! Ce passage est assez long, et l’apparition progressive du soleil n’y changera rien. Je tire encore et toujours sur ma pipette, et ma cuisse arrière commence à se faire douloureuse. Tout en continuant la progression, j’ouvre un berlingot bourré de sucre vitaminé. Ca fait du bien. J’en prends un deuxième. Ca refait du rebien… Le temps passe, et par faute d’inattention, je me mets encore quelles belles pelles par l’avant. Je repars chaque fois avec le sac à dos plein de flotte. J’ai été bien inspiré d’y faire des petites ouvertures à la base. En quelques secondes, il se vide et retrouve son poids initial. En mai, qu’une enclume sois plus léger…
 J’arrive à présent à hauteur du phare de l’Espiguette (H), qui matérialise la pointe sud de la grande baie du Grau du Roi… J’aperçois, planté au bord de la plage, un drapeau de Kitexperience, une des écoles réputées du secteur. Je me rapproche et reconnaît mon pot Antony, moniteur de son état, en train de donner des cours. J’en profite pour faire ma première pause et aller le saluer. Quand il voit mon matos et ma tronche, il devine que je viens de loin. Il me propose alors une petite bouteille d’eau que j’engloutis « one shot ». Puis je lui demande si c’est pas trop déventé au fond du golfe. Il me conseille de tirer tout droit vers le village du Grau du Roi. Puis il me demande jusqu’ou je compte aller. Tout en me mettant à l’eau, je lui réponds « Minimum Sète ». Et là, tout hilare, il me traite de malade, et aussitôt me salue de la main, pouce pointé vers le haut. Je passe l’entrée de Port Camargue (I) à 15h20. Cela fait 2h45 que je glisse. Si tout va bien, dans moins de 2 heures je passe Sète, et si j’ai encore la patate, je taille sur le Cap d’Agde, et pourquoi pas Valras Plage, Les cabanes de Fleury, St pierre la Mer, voire Gruissan… PLAOUFFFFFF !!! Meeeeerde ! Qu’est ce que tu fous ? Tu peux pas rester concentré, non ? Allez, t’es pas encore rendu, applique toi, et on verra plus tard sur quelle plage tu boiras la bière tiédasse. Après avoir mis le cap au nord pour la traversée du golfe, je trace à présent plein ouest en direction des pyramides de la Grande Motte(J). Le soleil s’est installé et le vent a pris des watts. J’arrive sur le spot bien connu des montpelliérains, ou s’excitent une bonne quarantaine d’ailes. Parmi elles, j’aperçois trois ailes Bandit sans aucun signe distinctif ni logo. C’est une partie du team F.one (Leur camp de base est à 20 mn de là), Raph en tête, accompagné de son précieux lieutenant Micka Fernandez, et de notre championne de speed Charlotte Consorti. Ils testent des protos. Bon, allez, je m’arrête, mais c’est la dernière fois. Et bla bla bla, et à quelle heure t’es parti, et à 12h30, et comment tu rentres, et je sais pas, et mais combien tu as, et j’ai 13², et mais t’es fou, chuis en 9, et mais c’est pas grave, et tu m’appelles si t’es au bord de la route, et ça marche, le boss, et a plus, a plus, et bla bla bla…. Ainsi soit-il. Putain, il a raison, le Raph, ça tracte fort !!! Je trime à fond et je passe au taquet au beau milieu de la meute des amateurs de petits va et viens insipides et forts encombrés. Mon GPS s’affole et me pointe un 24.5 nds !! Moi je taille la route, mossieur, moi je suis différent, moi, chuis un fou, moi, chuis comme le thon petit navire, j’aime le bon goût du grand large, moi… PLAOUFFFFF ! Et Meeeeerdeuuuhhhgloubblougloublh !!! Ta gueule momo !!! Reste concentré au lieu de te la peter façon Cap-hornier du dimanche !!! En mai, tu rideras avec humilité .
 Surtout que ma cuisse droite commence à faire mal et la cheville gauche, éternellement enflée (petit souvenir de Douarnenez 2004, gros chtar en tongues sur le goudron en bas du mur du cimetière, une nuit de pleine lune, du moins, je crois que c’était pleine lune…) n’a guère envie d’aller plus loin. Restons concentré disais-je. Toujours à 100 m du bord, je passe devant Carnon (K), puis l’entrée du port de Palavas (L). Puis à nouveau des grandes plages, celles qui précèdent la superbe abbaye de Maguelone (M). Je bois. Mes jambes fatiguent, et je ne sais plus comment me mettre. J’alterne pied droit et pied gauche devant, pour atténuer les douleurs tenaces. Je m’écarte du bord car, au loin, je devine que la cote part un peu vers la gauche, j’anticipe donc un peu pour ne pas avoir à faire du près plus tard. Le vent tient, mais j’aperçois droit devant moi des entrées maritimes. J’arrive dedans et aussitôt, le vent mollit. Ca glisse encore, mais c’est plus ça. Ma vitesse moyenne descend autour des 13/14 nds, et l’état de la mer se dégrade sensiblement. Me voilà à présent au niveau des plages de Frontignan (N). Il est 16h30. Le ciel est bien pourri, et le vent se fatigue. En face de moi se dresse le Mont St Clair sur lequel s’accrochent les hauts quartiers de la ville de Sète (O). Au fur et à mesure de mon approche, l’endroit me fait flipper. La mer est hachée, à cause d’un énorme ressac causé par les multiples digues du port. Je dois passer au large car une digue énorme et très longue me barre la route. Elle est très impressionnante. Les vagues explosent au contact des premiers blocs de béton. Je passe à 200 mètres au vent, tout en faisant bouger ma 13² qui a de la peine à se remplir. Ce passage devant le Mont St Clair est interminable. Je me traîne, et en plus, je trouve encore le moyen de me boiter !!! Bon, ça sent la fin du périple… Je longe la corniche sud, au pied de laquelle il ne ferait pas bon s’échouer. Petit à petit, avec un GPS complètement endormi, je laisse la ville derrière moi. Il est 17h00. Le vent initialement prévu m’a posé un méchant lapin. Je me résigne alors à changer une dernière fois d’amure, et pointer le nez de mon surf vers la première plage susceptible de m’accueillir. A coup de grands loops d’ailes, j’atterris péniblement sur la plage de la paillotte « le new spot »(P). Un kiteur qui finissait sa session me prend l’aile et la pose à ses cotés. C’est fini pour aujourd’hui. Il est 17h10. Je viens de parcourir 70 milles nautiques, soit130 kms. En mai, tes cuisses auront bien chauffé…
 Port St Louis, 20h30 : Je suis à la maison, en compagnie de mon ami Marc BLANC et de Sebastien SALERNO. Seb m’a ramené de Sète en bagnole, et j’ai dû insister pour qu’il reste manger. Je leur décrit la journée, et Marc sait très bien de quoi nous parlons. C’est lui qui le premier a inauguré ce même trip en solo, en 2006 avec un surf de 2m et une 11² Impact. Il est même allé jusqu’au Cap d’Agde, soit 20 bornes de plus. Il m’avait prévenu que le passage de Sète était chaud-bouillant. A présent, je comprends mieux ce qu’il voulait m’expliquer…Si on doit le refaire, c’est dit, on se le fait à nous trois, ensemble, pour le plaisir de partager, mais aussi pour une meilleure sécurité. Merci : 1. A Greg, toujours prêt à m’aider. 2. Au kiteur qui m’a accueilli sur la plage de Sète et qui était près à m’amener à la gare avec tout mon barda bien mouillé. 3. A Sebastien SALERNO, figure active du kite sétois, à qui j’ai bien pourri sa fin de journée. Dès mon appel, il est venu avec des fringues (Seb, je taille XL, pas M…), et s’est tapé 350 bornes aller retour pour me ramener sur Port St Louis, et finir chez lui peu avant minuit. Seb, je te dois beaucoup. A charge de revanche, l’ami. 4. Au kitesurf, et à tous ceux qui ont contribué, et qui contribuent encore à son développement.

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